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CCXIII.


Les bestes & les cors privez de passion
Connoissant leur nature imbecille & mouvante
Du jugement futur sont tousjours en attente,
Pour se voir delivrez de leur corruption :

Et l'homme qui fust fait par l'inspiration
De DIEU son createur creature vivante
Aura-t-il tousjours l'ame en la terre rempante,
Ne recherchant du ciel l'heureuse region ?

Mortel, si de ton cors la demeure est detruitte
Non par euvre de main une autre t'est construitte
La haut ferme & durable à toute eternité.

Pour elle seulement, & non pour autre pleure
L'homme religieus desirant à toute heure
De se voir revestu de l'immortalité.


CCXIIII.


Je NE crain point la mort mais le mal effroyable
Que l'on souffre en mourant, me fait transir de peur :
Les femmes seulement redoutent la douleur
Ou l'enfant de nature infirme & pitoyable.

Aus hommes genereux rien n'est epouvantable
Si ce n'est l'infamie, ou bien le deshonneur
Pour l'arrest de la mort ils ne changent couleur,
Car de la vertu sort la constance indomtable

Contre la volonté du sage & du prudent
Pourroit bien arriver un mauvais accident,
Non contre son espoir, puisque c'est l'ordinaire

Aus hommes vertueus de ne point s'en aigrir
Pour chose que l'on treuve impossible à souffrir
N'estimant point mauvaise, ce qui est necessaire.