Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CCV.


TRAVAILLE en equité, & tu vivras tranquille
Sans crainte & sans effroy, les meschans trembleront
Au tomber d'une feuille & les jours bransleront
Pendus à un filet variable & fragile ;

Les remors s'emparans de leur ame servile
De honte & de despit leurs ceur devoreront,
Les songes de la nuit les espouvanteront,
Chancellans son repos comme une onde mobile.

Ainsi tout effrayé Caligule empereur
Se levoit hors du lit, & de palle fureur
Bourreloit en dormant le meurdrier de sa mere

Dautant qu'il ny a rien qui face devenir
Les hommes plus peureus que le ressouvenir
De leur àge passé en crime et vitupere.

CCVI.


L'HOMME calamiteus à la beste est egal
La mort mesme de l'un est à l'autre semblable
Tous deux ont mesme esprit, & l'homme miserable
Helas ! n'a rien de plus que le brute animal :

Tout se rend en un lieu & descend contre-val
Dans le tombeau glouton, s'en retournant au sable
Duquel il est formé, seulement est durable
La seule vanité mere de nostre mal.

Qui connoit si l'esprit de l'homme corruptible
Monte devers le ciel, ou si l'ame invisible
Des bestes sans raison devale contre-bas ?

Tu mourras & seras Atheiste Epicure
Contraint de confesser pendus à la torture
Des enfers gemissans, que l'homme ne meurt pas.