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CLV.


Penses combien de tems, pauvre homme miserable
Il y à que tu bois, manges, veilles, & dors
Dors manges, veiles, bois, & destors & retors
De ce mesme fuseau le filet variable

En fin de tant de maus la charge insupportable
Qui sur toy chacque jour descharge ses effors,
Et sa satieté de tant vivre en ce cors
Te feront desirer la mort inevitable

Cest peu de cas de vivre, un tel bien est permis
Egalement à tous, jusqu'aus moindres fourmis
Qui vivent en commun dessous la terre espaisse

Mais delaisser la vie en resolution,
Et mourir gouverneur de son affection
Cest là le plus haut point de l'humaine sagesse.


CLVI.


Si j'ay crain autre-fois, homme pusillanime
Le courrous de la mort, helas ! j'estois charnel
Sujet à passion, or je ne suis plus tel
Le Seigneur par la foy en mon ame s'imprime

Le Seigneur par la foy me conjoint & s'ublime
A sa divinité, qui me rend immortel,
Et purgeant de son sanc le crime originel
De l'esprit d'innocence au baptesme m'anime

Je t'embrasse, mon DIEU, ah! mon DIEU, je le croy
Que mon salut sera avancé par la foy
Pourveu qu'ne bien croyant ta volonté je suive

Je t'embrasse, ô mon DIEU, & quand le froid trespas
Ceste masse de chair renversera la bas
Fait que malgré la mort ma foy demeure vive.