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CLI.


Si la mort de nos jours est courte & violente
De la craindre beaucoup nous n’avons le loisir,
Si elle est grave & lente elle esteint le desir
De vivre plus long tems en tempeste & tourmente

L’on ne tient plus si fort à la vie inconstante
Quant on en à perdu l’usage & le plaisir
Le seul bien du present nous fait prendre & choisir
Du monde tentateur l’amertume plaisante

Voila comme nature à tousjours si bien fait
Que mesme au mesme instant que la mort nous deffait
Ou nous n’y pensons pas, ou nous perdons l’envie

De vivre d’avantage, avisant à part nous
Que plustost au cercueil nous ployrons les genous,
Plustost nous sortirons des tourmens de la vie.


CLII.


Monstrez au criminel que le grand Parlement
Renvoye executer au lieu de sa naissance
Estant sur le chemin les plus beaus lieus de France,
Et de mets somptueus traitez le proprement.

Pensez vous, Romanet, que tel contentement
Le puisse resjoüir, & que la souvenance
De l’execution de sa dure sentence
Ne luy ait ja troublé l’ame & l’entendement ?

La mort, de nostre vie est la fin proposee,
Cest l’objet necessaire ou tend nostre visee
Et si la peur d’icelle en nos ames tient fort

Nostre sort n’est il pas beaucoup plus deplorable
Que l’estat mal-heureus du prisonnier coulpable
Que la peur du supplice à toute heure remort ?