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CXLVII.


Las ! une seule mort de mille maus divers
Bourrelle les humains, estant fort difficile
De jouir du repos à lhomme malhabile
Qui craint ses cous lancez dans nos ceurs descouvers.

Aussi tous les mal-heurs de ce bas univers
Le remort, le regret, ny la crainte servile
Ne logent point chez luy quant son ame tranquille
Mesprise de la mort les mouvements pervers.

Il faut doncque d'armer contre sa violence
Du rempart asseuré d'une masle constance
Afin de soutenir sans crainte ses effors.

Car bien qu'en cent facons son trait nous importune
Il y a plus de mal, qu'a en soustenir une
A craindre & redouter tant d'espece de mors.


CXLVIII.


Veus tu vivre sans peur franc de tout desconfort
Le chemin que tu fis de la mort à la vie
Sans frayeur ou douleur, refais le je te prie
De la vie à la mort, sans frayeur ou remort

Quiconque soit celuy qui de ce monde sort
Comme il y est entré son ame n'est ravie
De tant de passions dont l'extreme furie
Violente & detruit ceus qui craignent la mort.

La mort nous suit par tout, par tout elle nous somme
Voire la mort peut bien oster la vie à l'homme
Non pas le detracquer du spacieus sentier

Qui le guide à la mort : tant de piste nouvelle,
De voye, & de chemin, nous conduisent vers elle
Que rien ne mancque à ceus qui meurent volontier.