Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

PREFACE AU

LECTEUR

AMI Lecteur c'est à la verité une traistresse, & violente maistresse d'escole que la coustume, laquelle establissant peu à peu le pié de son authorité, & par cest humble, & dous commencement l'ayant assis, & planté avec l'ayde du tems, elle nous descouvre à la fin un visage si furieux, & tyrannique, que nous n'avons plus la liberté de hausser seulement les yeux contre luy : comme l'experience me l'a fort bien faict entendre à mes despends, qui m'estant dés mon jeune àge addonné à l'exercice de la poesie (passion qui regente en moy si souverainement toutes les autres, & possede mon ame d'une puissance si absolue qu'elle l'emmeine ou elle veut) me suis tellement laissé emporté au vent de ses inutiles plaisirs, que maintenant ou l'espineus estude des loys, me devroit faire rider le front, rechigner, & transir à l'esclaircissmeent d'une question tenenbreuse, je ne puis empietter tel commandement sur moy, que je m'eslougne, & bannisse de tout de ceste plaisante occupation, forcé d'une inclination particuliere, & naturelle qui me presse, & me pousse à retracer, & retourner tousjours sur mes premieres brisees : si bien qu'en si grandes, & violentes necessitez, ou ny a plus que tenir, il me semble paravanture estre plus sagement fait, de prester un peu au coup, que s'aheurtant outre le possible à ne rien remettre, donner