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CXLV.


Si la mort contre nous en sentinelle assise
Estoit un ennemis qui se peut eviter,
Je conseillerois bien aus hommes d'emprunter
Les armes de la peur, & de la couardise :

Mais puisque du fuyart la fuitte elle mesprise,
Et vient sans resistance aussi tost supplanter
La jeune adolescent, que le viel surmonter
Dequoy nous sert BUSON, nostre faineantise ;

Hantons la suivons la, au broncher d'un cheval
A la pente d'un mont, aus descentes d'un val
Au picquer d'une espingle, au tomber d'une thuile

Pensons quelle nous tient, nous treuverons alors
Ce que nous estimions en nous mesmes discors
Difficile à passer, à passer bien facile.


CXLVI.


L'un se plaint que la mort d’une belle victoire
Luy romt injustement le filet dans la main,
L'autre quelle retient le cours de son dessein,
Esteignant le flambeau de sa naissante gloire ;

L'Escrivain est fasché de laisser son histoire
Imparfaitte au lecteur, le pere trop humain
De laisser ses enfans, quant à moy je ne crain
En quel tems j'aille choir dessous la tombe noire

Je veus que l'on agisse & travaille tousjours,
Et que la mort me treuve en feuilletant mon cours
Mais ne me souciant ny de mes loys ny d'elle.

Nous naissons pour agir, & tel est mon avis
Que l'homme valeureus de louange ravis,
Doit mourir au milieu d'une entre-prise belle.