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CXLIII.


Le pauvre Bebius au tribunal assis
Ce pendant qu'il octroye un delay de huictaine
A la part suppliante, helas ! la mort prochaine
A le terme expiré de ses jours r'accourcis :

Graissant d'un patient les yeus et les sourcis
Caius le medecin pert le pous & lhaleine
L'onguent luy chet des mains, & la Parque soudaine
Luy resserre les yeus de tenebre obscurcis :

L'un voulant empescher que son voisin ne meure
Est surpris de la mort, & pour autruy labeure
Celuy qui veut à soy seulement proffiter

O grand aveuglement ou la chair nous fait naistre,
Quant il nest point donné à l'homme de connoistre
Ce qu'il doit en tout tems ou suivre ou eviter.


CXLIIII.


Afin que le plaisir ne ravit l’assistance
Les vieus Egyptiens presentoint au festin
Devant les conviez assis entre le vin
D'un squillette enervé la triste ressemblance

Ainsi parmi les cris de ton esjouissance,
Souvienne toy tousjours de combien le destin
Te menace de prise, & quelle est à la fin
La fin de tes ebas sujets à decadence.

Tu ne scays en quel lieu, ny jusques à quel bout
Ny quant la mort t'attend, attens la donc par tout
Et tiens que chaque jour est le jour redoutable

De ton departement, en fin tu connoistras
Et verras arriver, quant moins tu l'attendras
Du jour tant esperé la naissance agreable.