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sien que ce qu’il donne : car ce que l’on retient et garde si serré se gaste, diminue, et eschappe par tant d’accidens et la mort enfin ; mais ce qui est donné ne se peust desperir ou envieillir : dont Marc Antoine, abattu de la fortune, et ne luy restant plus que le droit de mourir, s’escria n’avoir plus rien que ce qu’il avoit donné : (…). C’est donc une très belle et noble chose en tout sens, que ceste douce, debonnaire et prompte volonté de bien faire à tous ; comme au contraire n’y a vice plus vilain et detestable que la cruauté, et contre nature, dont aussi est appellée inhumanité : laquelle vient de cause contraire à celle du bienfaict ; sçavoir de coüardise et lascheté, comme a esté dict. Il y a deux façons de bien faire à autruy, en luy profitant et en luy plaisant : par le premier l’on est admiré, estimé ; pour le second l’on est aymé, et bien voulu. Le premier est beaucoup meilleur ; il regarde la necessité et le besoin, c’est agir en pere et en vray amy. Plus, il y a doubles bienfaicts : les uns sont debvoirs, qui sortent d’obligation naturelle ou legitime ; les autres sont merites et libres, qui partent d’affection