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son ennemy ; ainsi la passion s’estant conceuë en nostre cœur, se forme incontinent en nostre parole, et par elle sortant de nous, entre en autruy, et y donne semblable impression que nous avons nous-mesmes par une subtile et vifve contagion. Par là se void qu’une fort douce nature est mal propre à l’eloquence ; car elle ne conçoit pas les passions fortes et courageuses, telles qu’il les faut pour animer bien l’oraison : tellement que, quand il faut desployer les maistresses voiles de l’eloquence en une grande et vehemente action, ces gens-là demeurent beaucoup au dessoubs, comme sceut bien reprocher Ciceron à Callidius, qui accusoit Gallus avec une voix et action si froide et lasche : (…) ? Mais estant aussi vigoureuse et garnie de ce qu’a esté dict, elle n’auroit pas moins de force et violence que les commandemens des tyrans, environnez de leurs gardes et satellites : elle ne meine pas seulement l’auditeur, mais elle l’entraisne, reigne parmy les peuples, s’establit un violent empire sur les esprits. L’on peust dire contre l’eloquence que la verité se soustient et deffend bien de soy-mesme, qu’il n’y a