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naturelle, comme si elles sont recherchées et procurées par artifice, par medicamens, et autres moyens non naturels. Ou bien qu’elles se forgent premierement en l’esprit, suscitées par passion, et puis de là viennent au corps, qui est un ordre renversé : car l’ordre de nature est que les voluptez entrent au corps, et soyent desirées par luy, et puis de là montent en l’esprit. Et tout ainsi que le rire, qui est par le chatouillement des aysselles, n’est poinct naturel ny doux, c’est plustost une convulsion ; aussi la volupté qui est recherchée et allumée par l’ame, n’est poinct naturelle. Or la premiere reigle de sagesse aux voluptez est ceste-cy, chasser et condamner tout à faict les non naturelles, comme vicieuses, bastardes (car ainsi que ceux qui viennent au banquet sans y estre conviez, sont à refuser ; aussi les voluptez qui d’elles-mesmes, sans estre mandées et conviées par la nature, se presentent, sont à rejetter) ; admettre et recepvoir les naturelles, mais avec reigle et moderation : et voylà l’office de temperance en general, chasser les non naturelles, reigler les naturelles. Or la reigle des naturelles est en trois poincts : premierement, que soit sans offense, scandale, dommage et prejudice d’autruy. Le second, que soit sans prejudice sien, de