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r maistre, mais d’une belle et honorable façon, en la desdaignant et celuy qui l’a faict, et encore plus en bien faisant : en tous les deux Caesar estoit excellent. C’est une glorieuse victoire de vaincre et faire bouquer l’ennemy par bienfaicts, et d’ennemy le rendre amy. Et que la grandeur de l’injure ne nous retienne poinct : au contraire estimons que plus elle est grande, plus est-elle digne d’estre pardonnée, et que plus la vengeance en seroit juste, plus la clemence en est loüable. Et puis ce n’est raison d’estre juge et partie, comme l’on veust la vengeance : il s’en faut remettre au tiers ; il faut pour le moins en avoir conseil de ses amis et des sages, et ne s’en croire pas soy-mesme. Jupiter peust bien seul darder les foudres favorables et de bon augure ; mais quand il est question de lancer les nuisibles et vengeurs, il ne le peust faire sans le conseil et assistance de douze dieux. C’est grand cas que le plus grand des dieux, qui peust de luy-mesme bien faire à tout le monde, ne peust nuire à personne qu’après une solemnelle deliberation. La sagesse de Jupiter