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affection. La troisiesme distinction d’amitié regarde la force et intention, ou la foiblesse et diminution de l’amitié. Selon ceste raison, il y a double amitié : la commune et imparfaicte, qui se peust appeller bienveillance, familiarité, accointance privée, et a une infinité de degrez ; l’une plus estroicte, intime et forte que l’autre ; et la parfaicte, qui ne se void poinct, et est un phoenix au monde ; à peine est-elle bien conceuë par imagination. Nous les cognoistrons toutes deux en les despeignant et confrontant ensemble, et recognoissant leurs differences. La commune se peust bastir et concilier en peu de temps. De la parfaicte il est dict qu’il faut deliberer fort long-temps, et manger un muy de sel. 2 la commune s’acquiert, se bastit et se dresse par tant de diverses occasions et occurrences utiles, delectables ; dont un sage donnoit ces deux moyens d’y parvenir, dire choses plaisantes, et faire choses utiles : la parfaicte, par la seule vraye et vifve vertu reciproquement bien cogneuë. 3 la commune peust estre avec et entre plusieurs ; la parfaicte avec un seul, qui est un autre soy-mesme,