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il doibt souvent interroger son escholier, le faire parler et dire son advis sur tout ce qui se presente. Cecy est au rebours du style ordinaire, qui est que le maistre parle tousiours seul, et enseigne cest enfant avec authorité, et verse dedans sa teste, comme dedans un vaisseau, tout ce qu’il veust : tellement que les enfans ne sont que simplement escoutans et recepvans, qui est une très mauvaise façon : (…). Il faut resveiller et eschauffer leur esprit par demandes, les faire opiner les premiers, et leur donner mesme liberté de demander, s’enquerir, et ouvrir le chemin quand ils voudront. Si, sans les faire parler, on leur parle tout seul, c’est chose presque perdue, l’enfant n’en faict en rien son profict, pource qu’il pense n’en estre pas d’escot : il n’y preste que l’oreille, encore bien froidement ; il ne s’en pique pas comme quand il est de la partie. Et n’est assez leur faire dire leur advis, car il leur faut tousiours faire soustenir et rendre raison de leur dire, affin qu’ils ne parlent pas par acquit, mais qu’ils soyent soigneux et attentifs à ce qu’ils diront ; et, pour leur donner courage, faut faire compte de ce qu’ils diront, au moins de leur essay. Ceste façon d’instruire par demandes est excellemment