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quasi semblable gloire que celle de ceux que nous prenons à imiter. Les semences tirent à la fin la qualité de la terre où elles sont transportées, et deviennent semblables à celles qui y croissent naturellement. Ainsi les esprits et les mœurs des hommes se conforment à ceux avec lesquels ils frequentent ordinairement. Il passe par contagion des choses une grande part de l’une à l’autre. Or ces deux manieres de profiter, par parole et par exemple, encore sont-elles doubles ; car elles s’exercent et se tirent des gens excellens ou vivans, par leur frequentation et conference sensible et externe, ou morts, par la lecture des livres. Le premier commerce des vivans est plus vif et plus naturel ; c’est un fructueux exercice de la vie, qui estoit bien en usage parmy les anciens, mesmement les grecs ; mais il est fortuit, dependant d’autruy et rare : il est mal-aisé de rencontrer telles gens et encore plus d’en jouir. Et cecy s’exerce ou sans gueres s’eslongner de chez soy, ou bien en voyageant et visitant les pays estrangers, non pour s’y paistre de vanitez comme la pluspart, mais pour en rapporter la consideration principalement des humeurs et façons de ces nations-là. C’est un exercice profitable, le corps n’y est ny oysif