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jamais ouy parler d’Aristote, il opinera mieux, donnera de meilleurs advis et expediens que les sçavans. Or ce n’est pas assez d’avoir dict le faict, que la sagesse et la science ne vont gueres ensemble : il en faut chercher la raison, et en la cherchant je payeray et satisferay ceux qui pourroient estre offensez de ce que dessus, et penser que je suis ennemy de la science. C’est donc une question, d’où vient que sçavant et sage ne se rencontrent gueres ensemble. Il y a bien grande raison de faire ceste question ; car c’est un cas estrange et contre toute raison qu’un homme pour estre sçavant n’en soit pas plus sage ; car la science est un chemin, un moyen et instrument propre à la sagesse. Voyci deux hommes, un qui a estudié, l’autre non : celuy qui a estudié doibt et est obligé d’estre beaucoup plus sage que l’autre ; car il a tout ce que l’autre a, c’est-à-dire le naturel, une raison, un jugement, un esprit, et outre cela il a les advis, les discours et jugemens de tous les plus grands hommes du monde, qu’il trouve par les livres. Ne doibt-il donc pas estre plus sage, plus habile, plus honneste que l’autre, puis qu’avec ses moyens propres et naturels, il en a tant d’estrangers acquis et tirez de toutes parts ? Comme dict quelqu’un, le bien naturel joinct avec l’accidental faict une bonne composition,