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se paist d’eternelle pensée. C’est la besongne des dieux (dict Aristote) de laquelle naist leur beatitude et la nostre. Or ceste solitaire occupation, et cest entretien joyeux, ne doibt poinct estre en vanité, moins en chose vicieuse, mais en l’estude et cognoissance profonde, et puis diligente culture de soy-mesme : c’est le prix faict, le principal, premier et plus plein ouvrage de chascun. Il faut tousiours se guetter, taster, sonder, jamais ne s’abandonner, estre tousiours chez soy, se tenir à soy : et trouvant que plusieurs choses ne vont pas bien, soit par vice et deffaut de nature, ou contagion d’autruy, ou accident survenu, qui nous trouble, faut tout doucement les corriger et y pourvoir. Il faut s’arraisonner soy-mesme, se redresser et remettre courageusement, non pas se laisser aller et couler par desdain et nonchalance. Il faut aussi, en esvitant toute faineantise et fetardise, qui ne faict qu’enrouiller et gaster et l’esprit et le corps, se tenir tousiours en haleine, en exercice et en office : non toutesfois trop tendu, violent et penible, mais sur-tout honneste, vertueux et serieux ; et plustost, pour ce faire, se tailler de la besongne, et se proposer des desseins pour s’y occuper joyeusement, conferant avec les honnestes hommes et les bons livres, dispensant bien son temps, et reiglant ses heures, et non vivre tumultuairement et à l’hazard. Mesnager bien et faire son profict de toutes choses qui se presentent,