Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/362

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui, par leurs rigueurs, exposent le prince à la hayne du peuple, et le diffament ; gens fins, cruels, à six mains et trois testes, dict quelqu’un : à quoy le prince doibt pourvoir, qu’ils soyent preud’hommes : puis, s’ils faillent, les chasser rudement avec rude chastiment et grosses amendes, pour leur faire rendre et regorger comme esponge ce qu’ils ont succé et tiré induement du peuple. Venons à l’autre pire ennemy, mespris, qui est une sinistre, vile et abjecte opinion du prince et de l’estat : c’est la mort des estats, comme l’authorité est l’ame et la vie. Qui maintient un homme seul, voire vieil et cassé, sur tant de milliers d’hommes, sinon l’authorité et la grande estime ? Si elle s’en va et se perd par mespris, il faut que le prince et l’estat donnent du nais en terre. Et tout ainsi que, comme a esté dict, l’authorité est plus forte et auguste que la bienveillance, aussi le mespris est plus contraire et dangereux que la hayne, laquelle n’ose rien estant retenue par la craincte, si le mespris, qui secoue la craincte, ne l’arme et ne donne le courage d’executer. Il est vray que le mespris vient rarement, mesmement