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employée sans respect et merite faict honte et apporte envie à qui la reçoit, et se reçoit sans grace et recognoissance. Des tyrans ont esté sacrifiez à la hayne du peuple par ceux mesmes qu’ils avoient avancez, se ralliant par là avec le commun, et asseurant leurs biens en monstrant avoir à mepris et à hayne celuy duquel ils les avoient receus. Et avec mesure ; autrement la liberalité viendra en ruine de l’estat et du souverain ; si elle n’est reiglée, et que l’on donne à tous, et à tous propos, c’est jouer à tout perdre. Car les particuliers ne seront jamais saouls, et se rendront excessifs en demandes selon que le prince le sera en dons, et se tailleront non à la raison, mais à l’exemple : le public defaudra et sera-l’on contrainct de mettre les mains sur les biens d’autruy, et remplacer par iniquité ce que l’ambition et prodigalité aura dissipé : (…). Or il vaut beaucoup mieux ne donner rien du tout, que d’oster pour donner ; car l’on ne sera jamais si avant en la bonne volonté de ceux qu’on aura vestus, qu’en la malveillance de ceux qu’on aura despouillez. Et à sa ruine propre ; car la fontaine se tarit si l’on