Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/300

Cette page n’a pas encore été corrigée

en particulier celuy que l’on a en main, sa forme, son establissement, sa portée, c’est-à-dire s’il est vieil ou nouveau, escheu par succession ou par eslection, acquis par les loix ou par les armes, de quelle estendue il est, quels voisins, moyens, puissance il a : car, selon toutes ces circonstances et autres, il faut diversement manier le sceptre, serrer ou lascher les resnes de la domination. Après ceste cognoissance d’estat, qui est comme un prealable, la premiere des choses requises est la vertu tant necessaire au souverain, non tant pour soy que pour l’estat. Il est premierement bien convenable que celuy qui est par dessus tous soit le meilleur de tous, selon le dire de Cyrus. Et puis il y va de sa reputation ; car le bruict commun recueille tous les faicts et dicts de celuy qui le maistrise ; il est en veuë de tous et ne se peust cacher non plus que le soleil. Dont ou en bien ou en mal on parlera beaucoup de luy. Et il importe de beaucoup et pour luy et pour l’estat en quelle opinion il soit. Or, non seulement en soy et en sa vie le souverain doibt estre revestu de vertu ; mais il doibt soigner que ses subjects luy ressemblent : car, comme ont dict tous les sages, l’estat, la ville, la compagnie, ne peust durer ny prosperer, dont la vertu est bannie. Et ceux-là equivoquent bien lourdement qui pensent que les princes sont tant plu