Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/249

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rien pour la rendre plus ou moins heureuse, non plus que la grandeur ne rend pas le cercle plus rond que le petit ; la figure y faict tout. Un petit homme est homme entier comme un grand : ny les hommes, ny leurs vies, ne se mesurent à l’aulne. Ils ont regret de mourir loin des leurs, ou d’estre tuez, ou demeurer sans sepulture : ils souhaiteront de mourir en paix, dedans le lict entre les leurs, consolez d’eux, et en les consolant. Tant de gens qui vont à la guerre, et prennent la poste pour se trouver en une bataille, ne sont pas de cest advis : ils vont mourir tout en vie et chercher un tombeau entre les morts de leurs ennemis. Les petits enfans craignent les hommes masquez ; decouvrez-leur le visage, ils n’en ont plus de peur. Aussi, croyez, le feu, le fer, la flamme, nous estonnent, comme nous les imaginons : levons-leur le masque, la mort dont ils nous menacent n’est que la mesme mort dont meurent les femmes et les enfans. Ils ont regret de laisser tout le monde, et pourquoy ? Tu y as tout veu, un jour est egal à tous ; il n’y a poinct d’autre lumiere, ny d’autre nuict, d’autre soleil, ny d’autre train au monde ; au pis aller, tout se void en un an : l’on y void la jeunesse, l’adolescence,