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la vie par le soin et craincte de la mort, et la mort par le soin de la vie. Mais, je vous prie, quelles plainctes et murmures y auroit-il contre nature, s’il n’y avoit poinct de mort, et qu’il fallust demeurer icy bon-gré mal-gré ? Certes l’on la maudiroit. Imaginez combien seroit moins supportable et plus penible une vie perdurable, que la vie avec la condition de la laisser. Chiron refusa l’immortalité, informé des conditions d’icelle par le dieu du temps, Saturne son pere. Que seroit-ce d’autre part s’il n’y avoit quelque peu d’amertume meslé en la mort ? Certes l’on y courroit trop avidement et indiscrettement : pour garder moderation qui est à ne trop aymer ny fuyr la vie, à ne craindre ny courir à la mort, tous les deux sont temperez et destrempez de la douceur et de l’aigreur.