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s aussi ne faut-il user d’une si grande, lasche et molle fiance, si ce n’est à ses bien asseurez amis. Il faut tousiours tenir la bride à la main, non la lascher trop, ou tenir trop roide. Il ne faut jamais dire tout, mais que ce que l’on dict soit vray : il ne faut jamais tromper ny affiner, mais bien se faut-il garder de l’estre : il faut temperer et marier l’innocence et simplicité colombine, en n’offensant personne, avec la prudence et astuce serpentine, en se tenant sur ses gardes, et se preservant des finesses, trahisons et embusches d’autruy. La finesse à la deffensifve est autant loüable comme deshonneste à l’offensifve. Il ne faut donc jamais tant s’advancer et s’engager que l’on n’aye moyen, quand l’on voudra et faudra, de se retirer et se r’avoir sans grand dommage et regret. Il ne faut jamais abandonner le manche, ne jamais tant desestimer autruy et s’asseurer de soy, que l’on en vienne à une presomption et nonchalance des affaires, comme ceux qui pensent que personne ne void si clair qu’eux, ou que tout plie soubs eux, et que l’on n’oseroit penser à leur desplaire, et par-là viennent à se relascher et mespriser le soin, et enfin sont affinez, surprins et bien mocquez. Un autre advis et bien important est de prendre toutes choses en leur temps et saison, et bien à