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si l’on eust eschappé son destin : quand on doubte quel est le meilleur et le plus court chemin, il faut tenir le plus droict. Et aux mauvaises (desquelles il n’y a jamais choix) il faut esviter le plus vilain et injuste : ceste reigle est de conscience et appartient à la preud’homie. Mais sçavoir quel est le plus honneste, juste et utile, quel plus deshonneste, plus injuste et moins utile, il est souvent très difficile et appartient à la prudence et suffisance. Il semble qu’en tels destroicts le plus seur et meilleur est de suyvre la nature, et juger celuy-là le plus juste et honneste qui approche plus de la nature, celuy plus injuste et deshonneste qui est le plus eslongné de la nature. Aussi avons-nous dict que l’on doibt estre homme de bien par le ressort de la nature : employez ceste reigle au faict d’Origene, et vous jugerez bien. Avant que sortir de ce propos, du choix et election des choses, vuidons en deux petits mots ceste question. D’où vient en nostre ame le choix de deux choses indifferentes et toutes pareilles. Les stoïciens disent que c’est un maniement de l’ame extraordinaire, desreiglé, estranger et temeraire : mais l’on peust bien dire que jamais deux choses ne se presentent à nous, où n’y aye quelque difference, pour legere qu’elle soit ; et qu’il y a tousiours quelque chose en l’une qui nous touche et pousse au choix, encore que ce soit imperceptiblement, et que ne le puissions exprimer. Qui seroit egalement balancé