Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/229

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui mettra tous les spirituels avant que venir au premier corporel, et le moindre de l’esprit au-dessus du meilleur du corps, et qui à part et ensemble les arrangera autrement : chascun abonde en son sens. Après, et de ceste suffisance et partie de prudence de sçavoir bien estimer les choses, vient et naist ceste autre, qui est sçavoir bien choisir ; où se monstre aussi souvent, non seulement la conscience, mais aussi la suffisance et prudence. Il y a des choix bien aisez, comme d’une difficulté et d’un vice, de l’honneste et de l’utile, du debvoir et du profict ; car la preeminence de l’un est si grande au-dessus de l’autre, que, quand ils viennent à se choquer, le champ doibt tousiours demeurer à l’honneste, sauf peust-estre quelque exception bien rare et avec grande circonspection, et aux affaires publics seulement, comme sera dict après en la vertu de prudence : mais il y a des choix quelquesfois bien fascheux et bien rudes, comme quand l’on est enfermé entre deux vices, ainsi que fut le docteur Origene d’idolatrer, ou se laisser jouyr charnellement à un grand vilain aethiopien ; il subit le premier, et mal, ce disent aucuns. La reigle est bien tousiours que, se trouvant en incertitude et perplexité au choix des choses non mauvaises, il se faut jetter au party où y a plus d’honnesteté et de justice : car encore qu’il en mesadvienne, si donnera-il tousiours une gratification et gloire d’avoir choisy le meilleur, outre que l’on ne sçait que quand l’on eust prins le party contraire, ce qu’il fust advenu, et