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conversation plus speciale, de laquelle voyci les advis : le premier est de chercher, conferer et se frotter avec gens plus fermes et plus habiles ; car l’esprit se roidit et fortifie, et se hausse au-dessus de soy, comme avec les esprits bas et foibles l’esprit s’abastardit et se perd : la contagion est en cecy comme au corps, et encore plus. Le second est ne s’estonner ou blesser des opinions d’autruy ; car tant contraires au commun, tant estranges, tant frivoles, ou extravagantes semblent-elles, si sont-elles sortables à l’esprit humain, qui est capable de produire toutes choses, et c’est foiblesse de s’en estonner. Le tiers est de ne craindre ny s’estonner des corrections, rudesses, et aigreurs de paroles, ausquelles il faut s’accoustumer et s’endurcir. Les galans hommes s’expriment courageusement ; ceste tendreur et douceur crainctifve et ceremonieuse est pour les femmes : il faut une societé et familiarité forte et virile ; il faut estre masle, courageux, et à corriger, et à souffrir de l’estre. C’est un plaisir fade d’avoir affaire à gens qui cedent, flattent et applaudissent. Le quatriesme est de viser et tendre tousiours à la verité, la recognoistre, et luy ceder ingenuement et alaigrement, de quelque part qu’elle sorte, usant tousiours et par-tout de bonne foy, et non comme