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beaucoup encore pour ces gens-là, quand les passions qui maistrisent en eux ne sont pas des pires. Le troisiesme remede et bon (encore qu’il ne soit le meilleur) est prudent et artificiel, par lequel l’on se desrobe, l’on fuyt, l’on se tapit et se cache aux accidens, et à tout ce qui peust picquer, esveiller ou eschauffer les passions. C’est un estude et un art par lequel on se prepare avant les occasions, en destournant les advenues aux maux, et l’on pourvoit à ne les sentir poinct, comme fit ce roy qui cassa la belle et riche vaisselle que l’on luy avoit donnée, pour oster de bonne heure toute matiere de courroux. L’oraison proprement de ces gens-cy est, (…). Par ce remede, qui se picque au jeu ne joue poinct ; les gens d’honneur prompts et choleres fuyent les altercations contentieuses, arrestent le premier bransle d’esmotion ; car quand l’on est dedans, il est mal aisé de s’y porter bien sagement et discrettement : nous guidons les affaires en leurs commencemens, et les tenons à nostre mercy ; mais après qu’ils se sont esbranlez et eschauffez, ce sont eux qui nous guident et emportent. Les passions sont bien plus aisées à esviter qu’ à moderer, (…),