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il y a double fortune avec qui il nous faut combattre, la bonne et la mauvaise, la prosperité et l’adversité ; ce sont deux duels, les deux temps dangereux ausquels il faut demeurer en cervelle ; ce sont les deux escholes, essais et pierres de touche de l’esprit humain. Le vulgaire ignorant n’en recognoist qu’un ; ne croit pas que nous ayons affaire, ny qu’il y aye de la difficulté et du contraste avec la prosperité et la douce fortune, en laquelle sont si transportez de joye qu’ils ne sçavent ce qu’ils font, et personne ne peust durer avec eux : et en affliction ils sont tous estonnez et abattus comme les malades qui sont en angoisse, lesquels ne peuvent endurer ny froid ny chaud. Les sages recognoissent tous les deux, et imputent à mesme vice et folie, ne sçavoir se commander en prosperité, et ne pouvoir porter les adversitez. Mais qui est le plus difficile et dangereux, ils n’en sont pas du tout d’accord. Aucuns disent l’adversité, à cause de son horreur et sa rigueur : (…).