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bien, affin que l’on te paye, et l’on t’en dise grand mercy : je veux que tu le sois, quand l’on n’en debvroit jamais rien sçavoir : je veux que tu sois homme de bien, pource que nature et la raison (c’est Dieu) le veust : l’ordre et la police generalle du monde, dont tu es une piece, le requiert ainsi, pource que tu ne peux consentir d’estre autre, que tu n’ailles contre toy-mesme, ton estre, ton bien, ta fin ; et puis en advienne ce qu’il pourra. Je veux anssi la pieté et la religion, non qui fasse, cause ou engendre la preud’homie ja née en toy, et avec toy, plantée de nature, mais qui l’approuve, l’authorise et la couronne. La religion est posterieure à la preud’homie ; c’est aussi chose apprinse, receuë par l’ouye, (…), par revelation et instruction, et ainsi ne la peust pas causer. Ce seroit plustost la preud’homie qui devroit causer et engendrer la religion ; car elle est premiere, plus ancienne et naturelle : laquelle nous enseigne qu’il faut rendre à un chascun ce qui luy appartient, gardant à chascun son rang. Or Dieu est par dessus tous, l’autheur et le maistre universel : et les theologiens mettent la religion entre les parties de justice, vertu et piece de preud’homie. Ceux-là donc pervertissent tout ordre, qui font suyvre et servir la probité à la religion.