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alleguent leurs offices de devotion en attenuation ou compensation de leurs vices et dissolutions : les autres au rebours ne font estat que de la vertu et preud’homie, se soucient peu de ce qui est de la religion, faute d’aucuns philosophes, et qui se peust trouver en des atheistes. Ce sont deux extremitez vicieuses : qui l’est plus ou moins, et sçavoir qui vaut mieux, religion ou preud’homie, je ne veux traicter ceste question : seulement je diray, pour les comparer hors de là en trois poincts, que la premiere est bien plus facile et aisée, de plus grande monstre et parade, des esprits simples et populaires : la seconde est d’exploict beaucoup plus difficile et laborieux, qui a moins de monstre, et est des esprits forts et genereux. Je viens aux autres qui confondent et gastent tout : et ainsi n’ont ny vraye religion, ny vraye preud’homie ; et de faict ne different gueres des premiers, qui ne se soucient que de religion : ce sont ceux qui veulent que la probité suyve et serve à la religion, et ne recognoissent autre preud’homie que celle qui se remue par le ressort de la religion. Or outre que telle preud’homie n’est vraye, n’agissant par le bon ressort de nature, mais accidentale et inegale, selon qu’a esté dict au long cy-dessus ; encore est-elle bien dangereuse,