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au vice, et qu’ils sont surprins et emportez par la force de la passion. Les tiers, comme moyens entre ces deux, estiment bien leur vice tel qu’il est, l’accusent et le condamnent au rebours des premiers, et ne sont poinct emportez par la passion ou tentation comme les seconds. Mais, en sang froid, après y avoir pensé, entrent en marché, le contrebalancent avec un grand plaisir ou profict, et enfin à certain prix et mesure se prestent à luy, et leur semble qu’il y a quelque excuse de ce faire. De ceste sorte sont les usures et paillardises, et autres pechez reprins à diverses fois, consultez, deliberez, aussi les pechez de complexion. De ces trois, les premiers ne se repentent jamais sans une touche extraordinaire du ciel : car estans affermis et endurcis à la meschanceté, n’en sentent poinct l’aigreur et la poincte : puis que l’entendement l’approuve, et l’ame en est toute teincte, la volonté n’a garde de s’en desdire. Les tiers se repentent, ce semble, en certaine façon, sçavoir, considerant simplement l’action deshonneste en soy, mais puis compensée avec le profict ou plaisir, ils ne s’en repentent poinct, et, à vray dire et parler proprement, ils ne s’en repentent poinct, puis que leur raison et conscience veust et consent à la faute. Les seconds sont ceux vrayement qui se repentent et se r’advisent : et c’est proprement d’eux qu’est dicte la penitence, de laquelle je prendray occasion de dire icy un mot.