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LIVRE I, CHAPITRE VII.


fait le maistre, se cache soubs la despouille d’autruy, voire s’en pare ? Quant au froid et autres necessitez particulieres et locales, nous sçavons que sous mesme air, mesme ciel, on va nud et habillé, et nous avons bien la plus delicate partie de nous toute descouverte ; dont un gueux interrogé comme il pouvoit aller ainsi nud en hyver, respondit que nous portons bien la face nue, que luy estoit tout face [1] : et plusieurs grands alloient tousjours teste nue, Massinissa, Cesar, Annibal, Severus ; et y a plusieurs nations qui vont à la guerre et combattent tous nuds. Le conseil de Platon pour la santé est de ne couvrir la teste ny les pieds. Et Varron dit que, quand il fut ordonné de descouvrir la teste en la presence des dieux et du magistrat, ce fut plus pour la santé, et s’endurcir aux injures du temps, que pour la reverence. Au reste l’invention des couverts et maisons contre les injures du ciel et des hommes est bien plus ancienne, plus naturelle et universelle, que des vestemens, et commune avec plusieurs bestes ; mais la recherche des alimens marche bien encore devant. De l’usage des vestemens comme des alimens cy-après [2].

  1. Montaigne cite le même trait, p. 409 de notre édition des Essais.
  2. Liv. III, chap. XXXIX et XL.