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DE LA SAGESSE,


proches injustes que l’on fait à nature comme marastre, ainsi qu’a esté dict cy-dessus. Si originellement les hommes eussent esté vestus, il n’est pas vray-semblable qu’ils se fussent advisés de se depouiller et mettre tous nuds, tant à cause de la santé qui eust esté extremement offensée en ce changement, que pour la honte : et toutesfois il se fait et garde par plusieurs nations, et ne faut alleguer que c’est pour cacher les parties honteuses et contre le froid (ce sont les deux raisons pretendues, contre le chaud il n’y a point d’apparence), car nature ne nous a point apprins y avoir des parties honteuses ; c’est nous-mesmes qui par nostre faute nous nous le disons. Quis indicavit tibi quod nudus esses, nisi quod ex ligno quod præceperam tibi ne comederes, comedisti ? [1] et nature les a desja assez cachées, mises loin des yeux et couvertes ; et au pis aller ne faudroit couvrir que ces parties-là seulement, comme font aucuns en ces pays où ils vont tous nuds, où d’ordinaire ils ne les couvrent pas : et qu’est cela que l’homme n’osant se montrer nud au monde, luy qui

    autres animaux) de filet et d'aiguille pour maintenir sin estre, il est mescreable que nous soyons seuls produicts en estat defectueux et indigent, et en un point qui ne se puisse maintenir sans secours estrangier ».

  1. « Qu'est-ce qui t'a indiqué que tu étais nu ? N'est-ce pas parce que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais défendu de manger ? » Gen. C. III, V. II.