Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/90

Cette page n’a pas encore été corrigée
34
DE LA SAGESSE,


faire, preferable à toute autre chose, non seulement science, noblesse, richesses, mais à la sagesse mesme, ce disent les plus austeres sages. C’est la seule chose qui merite que l’on employe tout, voire la vie mesme, pour l’avoir ; car sans elle la vie est sans goust, voire est injurieuse, la vertu et la sagesse ternissent et s’esvanouissent sans elle. Quel secours apportera au plus grand homme qui soit, toute la sagesse, s’il est frappé du haut mal, d’une apoplexie ? Certes je ne luy puis preferer aucune chose que la seule preud’hommie, qui est la santé de l’ame. Or combien que ce soit un don de nature, gaudeant bene nati [1], octroyé en la premiere conformation, si est-ce que ce qui vient après le laict, le bon reiglement de vivre, qui consiste en sobrieté, mediocre exercice, se garder de tristesse et toute sorte d'émotion, la conserve fort. La maladie et la douleur sont ses contraires, qui sont les plus grands et peust-estre les seuls maux de l’homme, desquels sera parlé cy après : mais en cette conservation les bestes aussi, suivant simplement nature qui a donné la santé, ont l'advantage ; l'homme s'y oublie souvent, et puis le paye en son temps.

La beauté vient après, qui est une piece de grande

  1. « Que ceux qui sont heureusement nés s'en réjouissent ».