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LIVRE I, CHAPITRE III.


le ciel et la terre ; l’ame mitoyenne ou se font les meteores, le bruit et la tempete ». L’esprit, la très haute et très heroïque partie, parcelle, scintille, image et defluxion de la divinité, est en l’homme comme le roy en la republique ; ne respire que le bien et le ciel, où il tend tousjours : la chair, au contraire, comme la lie d’un peuple tumultuaire et insensé, le marc et la sentine de l’homme, partie brutale, tend tousjours au mal et à la matiere : l’ame, au milieu comme les principaux du populaire, est indifferente entre le bien et le mal, le merite et le demerite ; est perpetuellement sollicitée de l’esprit et de la chair ; et, selon le party où elle se range, est spirituelle et bonne, ou charnelle et mauvaise. Icy sont logées toutes les affections naturelles, qui ne sont vertueuses ny vicieuses [1] , comme l’amour de ses parens et amis, crainte de honte, pitié des affligez, desir de bonne reputation.

Cette distinction aidera beaucoup à se recognoistre l'homme et discerner les actions, pour ne s’y mescompter, comme l’on fait jugeant par l’escorce et apparence, pensant que ce soit de l’esprit ce qui est de l’ame, voire de la chair, et attribuant à vertu ce qui est de la nature ou du vice. Combien de bonnes et de

  1. Vertueuses ny vicieuses : la pitié, l'émulation ne sont-elles pas au-dessus de ce sentiment difficile à définir qui entre le vice et la vertu ?