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LIVRE I, CHAPITRE I.


comme une salutation et un advertissement de Dieu à tous, leur signifiant que pour avoir accez à la divinité et entrée en son temple, il se faut cognoistre ; qui se mescognoist en doit estre debouté, si te ignoras, o pulcherrima ! egredere ; et abi post hœdos tuos [1].

Pour devenir sage et mener une vie plus reglée et plus douce, il ne faut point d’instruction d’ailleurs que de nous. Si nous estions bons escholiers, nous apprendrions mieux de nous que de tous les livres. Qui remet en sa memoire et remarque bien l’excez de sa cholere passée, jusques où ceste fievre l’a emporté verra mieux beaucoup la laideur de ceste passion, et en aura horreur et hayne plus juste, que de tout ce qu’en dient Aristote et Platon : et ainsi de toutes les autres passions, et de tous les bransles et mouvemens de son ame. Qui se souviendra de s’estre tant de fois mesconté en son jugement, et de tant de mauvais tours que lui a faict sa memoire, apprendra à ne s’y fier plus. Qui notera combien de fois il luy est advenu de penser bien tenir et entendre une chose, jusques à la vouloir pleuvir [2], et en respondre à autruy et à soy-mesme, et que le temps luy a puis faict voir du contraire, apprendra à se deffaire de ceste arrogance importune et quereleuse presomption, ennemie capi-

  1. « Si tu t'ignores toi-même, ô très belle, sors, et vas après tes cheveux », Cantic. I, v. 7.
  2. Garantir.