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VIE DE CHARRON.

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Tant que la philosophie n’employa dans notre France, pour répandre ses principes et ses leçons, que la langue des Latins, elle n’eut qu’un assez petit nombre de sectateurs, disséminés dans les cloîtres et dans les universités. Au seizième siècle, Montaigne la popularisa, pour ainsi dire, en écrivant en langue vulgaire, et avec une liberté inusitée, sur des sujets dont la discussion avait été jusques-là comme inter-y dite à quiconque n’avait pas pris dans quelques facultés les grades de docteur, ou pour le moins de bachelier.

— Charron, l’ami, et si l’on veut le disciple du philosophe gascon, osa déchirer, à son exemple, quelques-uns des voiles qui cachaient à la plupart des hommes, d’importantes vérités. Avant ces deux écrivains, le peuple ne puisait guères son instruction, et toute sa morale, que dans de vieux poèmes romanesques, dans des fabliaux ou contes, dont la grossièreté et l’indécence n’étaient pas les moindres défauts, dans d’insipides allégories, dans des drames absurdes, tirés des mystères de la religion. On peut donc regarder Montaigne et Charron, comme les pères delà philosophie moderne : ils établirent la liberté de penser et d’écrire en religion, en morale, en politique.