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DE LA SAGESSE,

meilleures et plus belles sont celles qui sont sans profict et sans gain, et qui sont telles que l’on n’en puisse estrener et faire part aux vicieux, et ceux qui, par quelque bas office, auroient faict service au public. Elles sont meilleures et plus estimées, plus elles sont de soy vaines, et n’ayant autre prix que simplement marquer les gens d’honneur et de vertu, comme elles sont, presque par toutes les polices, les couronnes de laurier, de chesne [1], certaine façon d’accoustremens, prerogative de quelque surnom, presseance aux assemblées, les ordres de chevalerie [2]. C’est aussi par occasion quelquesfois plus d’honneur de n’avoir pas ces marques d’honneur, les ayant meritées, que de les avoir. Il m’est bien plus honorable, disoit Caton, que chascun demande pourquoy l’on ne m’a poinct dressé de statue en la place, que si l’on demandoit pourquoy l’on m’en a dressé [3].

  1. Plutarque nous apprend que c'était la coutume des Romains d'honorer cette couronne, celui qui avait sauvé à la guerre un citoyen. C'est ce qu'ils appelaient la Couronne civique. Voy. Plutarque, Vie de Coriolan. — Cela se voit encore par un passage de Tacite, Annal. L. II, des Essais ; tome II, page 352 de notre édition.
  2. Montaigne a employé les mêmes pensées, et souvent les mêmes expressions, dans le chapitre VII, du L. II, des Essais ; tome II, page 352 de notre édition.
  3. Plutarque, Vie de M. Caton. — Ammien Marcellin rapporte aussi cette belle réponse, L. XI, chap. 6.