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LII
PRÉFACE


sordide, questueuse [1], querelleuse, opiniastre, ostentative, et présomptueuse, praticquée par plusieurs, il a esté usurpé comme en derision et injure : et est du nombre de ces mots qui avec laps de temps ont change de signification, comme tyran [2], sophiste, et autres. Le sieur du Bellay après tous vices notés, conclud, comme par le plus grand : mais je hay par sur tout un savoir pedantesque, et encores

Tu penses que je n’ay rien de quoy me vanger,
Sinon que tu n’es faict que pour boire et manger.
Mais j’ay bien quelque chose encore plus mordante,
C’est, pour le faire court, que tu es un pedante[3].

Peut-estre qu’aucuns s’offenseront de ce mot, pensant qu’il les regarde, et que par iceluy j’ay voulu taxer et attaquer les professeurs de lettres et instructeurs ; mais ils se contenteront s’il leur plait de cette franche et ouverte declaration, que je fais icy, de ne designer par ce mot aucun estat de robbe longue, ou profession litteraire, tant s’en faut, que je fais par tout si grand cas

  1. Mercenaire, du latin quœstuosa, avide de gain.
  2. On sait qu’en effet tyran était pris en grec autrefois pour roi, quoique le mot soit évidemment dérivé de πίεσης, tourmenter, vexer, pressurer le peuple comme on pressure un fromage, qui se dît τυρί, en grec : ce qui prouve l’opinion peu avantageuse que les anciens peuples républicains avaient de la royauté, puisqu’ils la confondaient avec la tyrannie.
  3. Un pédant.