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DE LA SAGESSE,

soit tenu pour noble, quelque service qu’il puisse faire au public [1]. Toutesfois ceste opinion a lieu en plusieurs nations, nommement chez les turcs, mespriseurs de la noblesse de race et de maison, ne faisans compte que de la personnelle et actuelle vaillance militaire. Ou bien l’antiquité de race seule sans profession de la qualité, ceste-cy est au sang et purement naturelle.

S’il faut comparer ces deux simples et imparfaictes noblesses, la pure naturelle, à bien juger, est la moindre, bien que plusieurs en parlent autrement, mais par grande vanité. La naturelle est une qualité d’autruy, et non sienne :

... Genus et proavos et quac non fecimus ipsi,
Vix ea nostra puto......[2]

Nemo vixit in gloriam nostram ; nec quod antè nos fuit, nostrum est : [3] et qu’y a-t-il plus inepte que de se glorifier de ce qui n’est pas sien ? Elle peust tomber en un homme vicieux, vauneant [4], très mal may, et en

  1. C'est le sentiment d'une foule d'anciens philosophes, et entre autres de Plutarque qui veut qu'on n'ait égard qu'a la seule vertu d'un homme quand il s'agit de l'élever à quelque dignité ; qu'on ne demande jamais de qui il est né. — Voyez Plut. : Comparaison de Lysandre et de Sylla.
  2. « La race, les ancêtres, tout ce que nous ne tenons point de nous-mêmes, je l'appelle à peine une propriété ». Ovid. Metam. L. XIII, Fab. I, v. 140.
  3. « Personne n'a pu vivre pour notre gloire : ce qui fut avant que nous ayons existé, n'est pas à nous ». Sen. ep. 44.
  4. Vaurien.