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LIVRE I, CHAPITRE LIX.

autres, c’est encore la politique, la literaire des sçavans, la palatine [1] des officiers du prince : mais la militaire a l’advantage ; car, outre le service qu’elle rend au public comme les autres, elle est penible, laborieuse, dangereuse, dont elle en est plus digne et recommandable : aussi a-elle emporté chez nous, comme par preciput, le tiltre honorable de vaillance. Il faut donc, selon ceste opinion, y avoir deux choses en la vraye et parfaicte noblesse ; profession de ceste vertu et qualité utile au public, qui est comme la forme, et la race comme le subject et la matiere, c’est-à-dire continuation longue de ceste qualité par plusieurs degrez et races, et par temps immemorial, dont ils sont appellez, à nostre jargon, gentils, c’est-à-dire de race, maison, famille, portant de long-temps mesme nom, et faisant mesme profession. Parquoy celuy est vrayement et entierement noble, lequel faict profession singuliere de vertu publicque, servant bien son prince et sa patrie, estant sorty de parens et ancestres qui ont faict le mesme.

Il y en a qui separent ces deux, et pensent que l’un d’eux seul suffise à la noblesse, sçavoir la vertu et qualité seule, sans consideration aucune de race et des ancestres : c’est une noblesse personnelle et acquise ; et, si on la prend à la rigueur, elle est rude, qu’un sorty de la maison d’un boucher et vigneron

  1. Celle des officiers du palais du prince.