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LIVRE I, CHAPITRE LXI.

truy, ny par la fortune mesme : au rebours, le servage de l’esprit est le plus miserable de tous : servir à ses cupidités, se laisser gourmander à ses passions, mener aux opinions, ô la piteuse captivité ! La liberté corporelle est un bien fort à estimer, mais subject à la fortune ; et n’est juste ny raisonnable (s’il n’y est joincte quelqu’autre circonstance) de la preferer à la vie, comme les anciens, qui choisissoient et se donnoient plustost la mort que de la perdre ; et estoit reputé à grande vertu, estimant la servitude un très grand mal : servitus obedientia est fracti animi et abjecti [1]. De très grands et très-sages ont servi, Regulus, Valerianus, Platon, Diogenes, et à de très meschans et iniques ; et n’ont pour cela empiré leur propre condition, demeurans en effect et au vray plus libres que leurs maistres.


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CHAPITRE LXI [2].

Noblesse.


SOMMAIRE. — Il y a deux sortes de noblesse : l'une de race ou naturelle, l'autre personnelle et acquise. Celle-là est

  1. « La servitude est la sujétion d'une âme sans force, sans courage, et privée de son libre arbitre. » Cicer. Paradoxe V, chap. I.
  2. C'est le cinquante-cinquième chap. de la première édition.