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LIVRE I, CHAPITRE LVI.

plusieurs vices, d’autant que la pire part est la plus grande, de mille n’en est pas un bon, le nombre des fols est infiny, la contagion est très dangereuse en la presse [1], semblent avoir raison jusques-là ; car la compagnie mauvaise est chose très dangereuse : à quoy pensent bien ceux qui vont sur mer, qu’aucun n’entre en leur vaisseau qui soit blasphemateur, dissolu, meschant : un seul Jonas, à qui Dieu estoit courroucé, pensa tout perdre : Bias plaisamment à ceux du vaisseau, qui, au grand danger, crioyent, appellant le secours des dieux, taisez-vous, qu’ils ne sentent [2] que vous estes icy avec moy ; Albuquerque, viceroy des Indes pour Emanuel, roy de Portugal, en un extreme peril sur mer, print sur ses espaules quelque jeune garçon, affin que son innocence luy servist de garand et de faveur envers Dieu [3] . Mais de la penser meilleure, plus excellente et parfaicte, plus propre à l’exercice de vertu, plus difficile, aspre, laborieuse et penible, comme ils veulent faire croire, se trompent bien lourdement ; car, au contraire, c’est une grande descharge et aisance de vie, et n’est qu’une bien mediocre profession, voire un simple apprentissage et disposition à

  1. Ceci se trouve mot pour mot dans Montaigne, Liv. I, chap. 38, de la solitude. (Tom. II, page 9 de notre édit.)
  2. Qu'il n'entendent pas. — Les Italiens emploient encore le verbe sentire dans le même sens.
  3. Montaigne, loco citato, rapporte également ces deux exemples.