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LIVRE I, CHAPITRE LV.


une farce, une feincte ; en privé et en secret, c’est la verité ; et qui voudroit bien juger de quelqu’un, il le faudroit voir à son à tous les jours, en son ordinaire et naturel ; le reste est tout contrefaict : universus mundus exercet histrioniam [1], dont disoit un sage que celuy est excellent, qui est tel au dedans et par soy-mesme, qu’il est au dehors par la craincte des loix, et du dire du monde. Les actions publicques sont esclatantes, ausquelles l’on est attentif quand l’on les faict, comme les exploicts de guerre, opiner en un conseil, regir un peuple, conduire une ambassade : les privées et domestiques sont sombres, mornes, tancer, rire, vendre, payer, converser avec les siens, l’on ne les considere pas, l’on les faict sans y penser : les secretes et internes encore plus, aymer, hayr, desirer.

Et puis il y a icy encore une autre consideration : c’est qu’il se faict par l’hypocrisie naturelle des hommes, que l’on faict plus de cas et est l’on plus scrupuleux aux actions externes, qui sont en monstre, mais qui sont libres, peu importantes, et quasi toutes en contenances et ceremonies, dont elles sont de peu de coust, et aussi de peu d’effect, qu’aux externes, secretes et de nulle monstre, mais bien requises et necessaires, dont elles sont fort difficiles. D’icelles

  1. « Tout le monde joue la comédie ». C'est un passage tiré du fragment de Pétrone, apud Sariberiens. L. III, c. 8.