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LIVRE I, CHAPITRE LIV.

Très ingrat envers ses bienfacteurs. La recompense de tous ceux qui ont bien merité du public a tousjours esté un bannissement, une calomnie, une conspiration, la mort. Les histoires sont celebres de Moyse et tous les prophetes, de Socrates, Aristides, Phocion, Lycurgus, Demosthenes, Themistocles ; et la verité a dict qu’il n’en eschappoit pas un de ceux qui procuroient le bien et le salut du peuple[1] : et, au contraire, il cherit ceux qui l’oppriment ; il craint tout, admire tout.

Bref, le vulgaire est une beste sauvage ; tout ce qu’il pense n’est que vanité, tout ce qu’il dict est fauls et erroné, ce qu’il reprouve est bon, ce qu’il approuve est mauvais [2], ce qu’il loue est infame, ce qu’il faict et entreprend n’est que folie : Non tam benè cum rebus humanis geritur ut meliora pluribus placeant : argumentum pessimi turba est. [3] La tourbe populaire est

    il veut effrayer ; s'il a peur, il souffre même le mépris. — Turbulent avec audace, s'il n'est retenu par la force. — Ou il sert avec bassesse, ou il domine avec orgueil ; il ne sait ni jouir d'une liberté sage, ni se consoler de l'avoir perdue ». Tacit. Annal. L. I, chap. 29. — Ibid, L. VI, c.II. — Tit. Liv. L. XXIV, c. 25.

  1. Matth. chap. V, vers 11 et 12.
  2. Voy. Cicer. Tiscul. L. II, in fine.
  3. « Dans ce monde tout n'est pas réglé de manière à ce que le mieux emporte toujours la majorité des suffrages : l'indice qu'une chose ne vaut rien, c'est qu'elle a été agrée de la multitude ». Senec. de Vita Beata, cap. 2, fere initio.