Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/455

Cette page n’a pas encore été corrigée
399
LIVRE I, CHAPITRE LIV.

d’effroy : sine rectore præceps pavidus, socors : nil ausura plebs principibus amotis [1].

Soustient et favorise les brouillons et remueurs de mesnage ; il estime modestie poltronnerie, prudence lourdise : au contraire, il donne à l’impetuosité bouillante le nom de valeur et de force ; prefere ceux qui ont la teste chaude et les mains fretillantes à ceux qui ont le sens rassis et qui poisent les affaires, les venteurs et babillards aux simples et retenus.

Ne se soucie du public ny de l’honneste, mais seulement du particulier, et se picque sordidement pour le profit : privata cuique stimulatio, vile decus publicum [2].

Tousjours gronde et murmure contre l’estat, tout bouffi de mesdisance et propos insolens contre ceux qui gouvernent et commandent. Les petits et poures n’ont autre plaisir que de mesdire des grands et des riches, non avec raison, mais par envie ; ne sont jamais contens de leurs gouverneurs et de l’estat present [3] .

  1. « Lorqu'il n'a personne qui le dirige, il reste irrésolu, timide, inactif : — Otez les chefs au peuple, il n'osera rien. » Tacit. Hist., L. IV, chap. 37. — Annal. L. I, chap. 55.
  2. « L'intérêt particulier est tout ce qui l'excite ; l'intérêt public est nul ». Tacit. Hist. L. I, in fine. — Dans le texte, le passage cité n'a pas tout-à-fait le sens que nous lui donnons ici, pour qu'il s'accorde avec la pensée de Charron.
  3. Rerum novarum cupidine, et odio prœsentium. Tacit. Hist. L. II, chap. 8, in fine.