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LIVRE I, CHAPITRE LIV.

Leger à croire, recueillir et ramasser toutes nouvelles, sur-tout les fascheuses, tenant tous rapports pour veritables et asseurez : avec un sifflet ou sonnette de nouveauté, l’on l’assemble comme les mouches au son du bassin.

Sans jugement, raison, discretion : son jugement et sa sagesse, trois dez et l’adventure ; il juge brusquement, et à l’estourdie, de toutes choses, et tout par opinion, ou par coustume, ou par plus grand nombre, allant à la file comme les moutons qui courent après ceux qui vont devant, et non par raison et verité : Plebi non judicium, non veritas : ex opinione multa, ex veritate pauca judicat [1].

Envieux et malicieux, ennemy des gens de bien, contempteur de vertu, regardant de mauvais œil le bonheur d’autruy, favorisant au plus foible et au plus meschant, et voulant mal aux gens d’honneur, sans sçavoir pourquoy, sinon pource que sont gens d’honneur, et que l’on en parle fort et en bien [2].

    Dans l'oraison pour Murena : Nihil est incertius vulgo, nihil obscurius voluntate hominum, nihil fallacius ratione tota consilorrum, etc. Orat, pro Murena, §. 35.

  1. « Ni la raison, ni la vérité ne sont rien sur le peuple (plebs) : — Il prononce le plus souvent d'après ses préjugés, rarement d'après une véritable conviction ».Voy. Tacit. Hist. L. I, chap. 32. — Cicer. pro Roscio, n°. 39
  2. Voyez dans Cornelius Nepos, et dans Plutarque, la vie d'Aristide.