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XLIX
PRÉFACE.


doit une grande bonté et douceur de mœurs, a grand marché du second ; sans grande peine, il se trouve tout porté à la sagesse. Qui autrement, doit avec grand et laborieux estude et exercice du second rabiller et suppléer ce qui luy defaut, comme Socrates un des plus sages disoit de soy, que par l’estude de la philosophie il avoit corrigé et redressé son mauvais naturel.

Au contraire il y a deux empeschemens formels de sagesse, et deux contremoyens ou acheminemens puissans a la folie, naturel, et acquis. Le premier, naturel, vient de la trempe et temperament originel, qui rend le cerveau ou trop mol, et humide, et ses parties grossieres et materielles, dont l’esprit demeure sot, foible, peu capable, plat, ravallé, obscur, tel qu’est la pluspart du commun : ou bien trop chaud, ardent et sec, qui rend l’esprit fol, audacieux, vicieux. Ce sont les deux extremités, sottise et folie, l’eau et le feu, le plomb et le mercure, mal propres a la sagesse, qui requiert un esprit fort, vigoureux, et genereux, et neantmoins doux, soupple, et modeste : toutesfois ce second semble plus aysé à corriger par discipline que le premier. Le second, acquis, vient de nulle ou bien de mauvaise culture, et instruction, laquelle entre autres choses consiste en un heurt et prévention jurée de certaines opinions, desquelles l’esprit s’abbreuve,