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LIVRE I, CHAPITRE LIII.


vées ou bien si difficiles et austeres, que la praticque en est impossible, au moins pour long tems, voire l'essay en est dangereux à plusieurs ce sont des


    auditeurs n’ont esperance aucune, ny bien souvent, qui plus est, la volonté de suyvre. L’homme s’oblige à estre necessairement en faute, et se taille, à son escient, de la besongne plus qu’il ne sçauroit faire : il n’y a si homme de bien, que s’il est examiné selon les loix et debvoirs en ses actions et pensées, qui ne soit capable de mort cent fois. La sagesse humaine n’arrive jamais au debvoir qu’elle-mesme se prescript : outre l’injustice qui est en cecy, c’est exposer en mocquerie et risée toutes choses : il faudroit qu’il y eust plus de proportion entre le commandement et l’obeissance, le debvoir et le pouvoir. Et ces faiseurs de reigles sont les premiers moqueurs ; car ils ne font rien, et souvent tout au rebours de ce qu’ils conseillent, les prescheurs, legislateurs, juges, medecins : le monde vit ainsi ; l’on instruict et l’on enjoinct de suivre les reigles et preceptes ; et les hommes en tiennent un autre, non par desreiglement de vie et mœurs seulement, mais souvent par opinion et par jugement contraire. Autre chose est de parler en chaire et en chambre, donner leçon au peuple, et la donner à soy-mesme ; ce qui est bon et de mise (a) à soy, seroit scandaleux et abominable au commun. Mais Seneque respond à cela : quoties parum fiduciœ est in his in quibus imperas, amplius exigendum est quam satis est ; ut prœstetur quantum satis est : in hoc omnis hyperbole excedit, ut ad verùm mendacio veniat. L. I, chap. 47 de l'édition de 1601.

    (a) Ces deux mots sont écrits demise en un seul mot dans l'éditon de Dijon, ici et page 249. Ce qui est évidement une faute. L'édition de 1601 écrit toujours de mise en deux mots, comme cela doit être.