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LIVRE I, CHAPITRE LI.

Finalement il advient souvent qu’ils font une fin totalement miserable, non seulement les tyrans et usurpateurs, cela leur appartient, mais encore les vrais titulaires [1]; tesmoin tant d’empereurs romains après Pompée Le Grand et Cesar, et, de nos jours, Marie, Royne d’Escosse, passée par main de bourreau, et Henry troisiesme assassiné [2], au milieu de quarante mille hommes armés, par un petit moyne, et mille tels exemples. Il semble que, comme les orages et tempestes se piquent contre l’orgueil et hauteur de nos bastimens, il y aye aussi des esprits envieux des grandeurs de ça bas :

Usque abeò res humanas vis adbita quædam
Obterit, et pulchros fasces sævasque secures
Proculcare, ac ludibrio sibi habere videtur.[3]

Bref, la condition des souverains est dure et dangereuse : leur vie, pour estre innocente, est infiniment laborieuse ; si elle est meschante, ils sont à la hayne et mesdisance du monde ; et en tous les deux cas ils

  1. C'est l'idée que Juvénal a exprimée dans ces vers de la dixième satyre, v. 112 :

    Ad generus Ceveris sine cœde et vulnera pauci
    Descendunt reges, et siccà morte tyranni.

  2. Le 1er. aout 1589, par le jacobin Jacques Clémént.
  3. « Tant il est vrai qu'il y a une puissance secrète qui semble se jouer des choses humaines, et qui foule aux pieds les superbes faisceaux et les haches cruelles des licteurs ! » Lucret. L. V, v. 1232.